lundi 24 septembre 2018

DU DÉCLIN À LA CHUTE DU QUÉBEC

Bien que ce soit rendu une activité en voie de disparition, je vais toujours au cinéma. Récemment, j’ai regardé le dernier film de Denys Arcand,  « La chute de l’empire américain ». Dans ce film, le Québec est mort et personne ne se soucie du cadavre. La chute laissera les vautours entrer et piller ce qui reste du Québec. 

Ensuite, j’ai redécouvert les trois autres films de la série d’Arcand, le Déclin, les Invasions et les Ténèbres. Je peux dire que maintenant, je vois « Le déclin de l’empire américain » d’un autre œil. 

Avant, j’avais une vision plutôt libérale du film. Je l’ai vu comme une célébration du style de vie qu’on y trouve. De mon point de vue de pauvre gars plutôt naïf unilingue déraciné du Minnesota, le film se voulait une moquerie de la droite religieuse américaine, celle qui condamne le style de vie des personnages « éclairés » du film. À mes yeux, je trouvais qu’ils vivaient des vies riches et libérées. Une lettre d’amour à la « belle » différence au Québec – l’intelligentsia québécoise, libérée des traditions paralysantes, face aux matantes/mononcles traditionalistes et incultes. 

Mais le titre du film d’Arcand est bien « Le déclin » et non « La vie parfaite qu’on veut tous vivre ». 

Il s’agit du déclin d’une civilisation qui ne fait plus d’enfants. Le personnage de Rémi dit au début que ce qui compte, c’est le nombre (démographique). Si l’on n’a pas le nombre, on perdra. Le reste du film se déroule autour des anecdotes sexuelles et des trahisons. Ce sont des professeurs d’université marxistes. Leur hédonisme symbolise le déclin de la société québécoise. Chaque personnage représente un aspect de cette dégénérescence.

Du déclin à la chute du Québec

Au début du film, Dominique dit qu’une société en déclin coïncide avec la poursuite du bonheur individualiste. La base du mariage n’est pas l’amour, mais le potentiel de créer un environnement stable pour les enfants. Le déclin vient de la destruction de la famille au nom de la poursuite individualiste de l’amour et du bonheur. Le marxisme et le freudisme sont des arnaques et les personnages dans le film y ont tous cru. 

La religion a disparu. On se moque des religieux et des croyants. Il y a une jalousie chez Rémi et Pierre de la vie homosexuelle parce que c’est tellement plus facile de baiser sans avoir l’engagement qu’exigent les femmes. Chez les personnages féminins, Diane et Dominique avouent d’avoir couché avec des femmes. Il n’y a que Louise qui en soit un peu troublée et avoue avoir eu peur d’être lesbienne pendant les sessions avec son psychologue. Tous les personnages parlent beaucoup de métissage sexuel et s’excitent de la non-stabilité. 

Ce que les personnages voient comme le plaisir et la liberté, sont véritablement la débauche et la haine de soi. Tous les personnages sont dans des relations stériles, non reproductrices. Les jeunes couchent avec des vieux. Les hommes couchent avec les hommes. Une femme mariée n’arrive pas à s’occuper de sa fille parce qu’elle aime trop le sexe violent avec des brutes. Il n’y a plus de modèles stables pour guider la population. Quand Louise découvre les infidélités de Rémi, elle cherche du confort chez Claude, l’homosexuel. Mais l’homosexuel ne peut lui offrir que de l’amitié. Il n’est pas une solution, parce qu’au fond, il ne peut la satisfaire. La seule solution, c’est une famille stable.

Plus tard, dans « Les invasions barbares », c’est la mort de Rémi et ce qu’il représente – la génération des boomers. Là où l’on est rendu, on ne peut plus rien faire pour les boomers à part leur donner un peu de confort avant la mort.  Le film est sur l’euthanasie, l’immigration et les drogues pour compenser le vide. C’est la nation qui se trahit et choisit de mourir, de se faire remplacer. Ce sont des Québécois qui ont dit, en 1995, qu’ils n’existent pas. Ils se sont euthanasiés, comme Rémi dans le film. C’est le déclin d’une civilisation qui ne fait plus de bébés nés dans les familles stables. Il ne faut pas oublier que ce qui compte, c’est le nombre.

Les barbares qui envahissent sont, entre autres, les drogues qui nous gèlent (et qui nous rendent « heureux, » comme le soma des « Meilleurs des mondes » de Huxley). Le policier Roy Dupuis dit qu’après trois ans d’enquête, ils ont arrêté le gang iranien, seulement pour être remplacé par d’autres gangs juifs, italiens, haïtiens… il y a trop de monde qui veut trop de drogues. 
Le film commence avec l’état pitoyable du système de santé au Québec. Le Québec est dominé par les syndicats corrompus. Le patrimoine religieux de nos églises vides n’a aucune valeur marchande. Il y a un bref moment intéressant où la religieuse (Johanne-Marie Tremblay) donne la communion aux patients à l’hôpital. Elle s’approche d’un homme indien et dit : « Le corps du Christ ». Puis, l’immigrant dit : « No, thank you ». 

Le rejet du catholicisme par le peuple québécois se reflète dans l’immigrant. En plus de cela, il a sa propre religion, lui. Même à l’hôpital, il a sa famille heureuse autour de lui. Or, la famille québécoise est en ruine. Elle sera remplacée par l’immigrant qui s’exprime en anglais. La même chose se produit dans la scène quand Rémi quitte sa salle de classe parce qu’il est rendu trop malade pour continuer. Il se fait remplacer par une femme probablement issue de l’immigration devant des étudiants indifférents. 

Rémi, un intellectuel marxiste et arrogant, est déçu que son fils Sébastien (Stéphane Rousseau) ne lit pas, malgré ses réussites à d’autres niveaux (emploi, famille). Sébastien a une belle femme intelligente et ils sont plus organisés dans leurs vies qu’étaient Rémi et Louise. L’épouse de Sébastien a même dit qu’on ne peut construire une vie autour de l’amour, car cela est aussi profond qu’une chanson pop. C’est un piège. Construire une société avec les sentiments comme fondation, ça mène au divorce et à la destruction de la famille. La religieuse gronde Rémi pour ne pas avoir apprécié tout ce que fait Sébastien pour lui, qui a parcouru tout le chemin depuis Londres. Par contre, Rémi n’était même pas allé voir son propre père avant sa mort à Chicoutimi. Il était à Montréal et c’était l’hiver…

Rémi n’a pas pu trouver un sens dans la famille, alors il cherchait du sens dans les sentiments et son expérience subjective quand il meurt. L’héroïne l’aidera à mourir confortablement « dans la dignité ». Celle qui lui donnera le coup de grâce, Nathalie (Marie-Josée Croze), la fille de Diane, est dépendante de l’héroïne elle-même. Sa vie est détruite par les histoires de cul de sa mère. Une femme plutôt garçonnière (elle semble neutre sur le plan du genre), c’est elle qui présage les invasions barbares. Rémi (et sa génération) a détruit sa famille et laissé tomber notre société pour fumer du pot et avoir la sexualité sans limites.

Vers la fin, le film nous montre quelques livres chez Rémi. Ils contiennent tous les thèmes des nations qui s’éteignent et les génocides.


Je crois qu’Arcand nous montre ces livres pour nous dire : il y avait un génocide au Québec et c’était consensuel (euthanasie). Nous avons abandonné la structure religieuse. La vision du monde des boomers a ensuite ouvert la porte aux invasions barbares. La génération des boomers est en train de mourir, laissant derrière elle quelques survivants. La mort de Rémi n’était qu’une transition de pouvoir. Maintenant Nathalie, la toxicomane peu stable et Sébastien devront vivre avec les conséquences de l’obsession du sexe/bonheur.

Ensuite, dans « L’âge des ténèbres », on apprend que Mitsou a divorcé Pierre Curzi et a tout pris, maison, la garde des enfants, la moitié de son salaire - il est rendu seul, vieux et pauvre. Tout le monde est centré sur soi. Marc Labrèche fantasme qu’une belle femme imaginaire l’aime. Sa vraie femme prend plusieurs médicaments et elle ne la regarde jamais. Ses deux filles lui sont indifférentes, voire hostiles. D’autres personnages se réfugient dans des mondes fantastiques fictionnels. À la fin, c’est un mini retour au terroir dans le Bas-Saint-Laurent pour se mettre à l’abri des ténèbres. 

Après le comportement dégénéré du Déclin, l’Invasion et des Ténèbres qui ont suivi, on est rendu à la chute. C’est le pillage de tout ce qui reste du Québec. Toutes les ethnies essayent d’obtenir les restes. Comme des charognards, ils cherchent l’argent comme des individualistes fous poussés à l’extrême. Il y a une guerre raciale en cours. On y trouve de nombreuses références aux gangs ethniques – les Haïtiens, les Irlandais, les Juifs, les Grecs, les Italiens, les motards canadiens-français. Le nationalisme civique qu’on prône est un échec. Les gens s’identifient trop souvent à leur groupe ethnique et non à la nation québécoise, en dépit de la loi 101. Les restes de notre civilisation canadienne-française sont représentés par le sac d’argent qu’a trouvé Pierre-Paul, un étudiant en philo, gentil et généreux.

La putain de luxe, tout en étant une prostituée, a une certaine moralité touchante. Elle finit par entrer en partenariat avec Pierre-Paul et un ex-motard (aussi joué par Rémy Girard) pour blanchir l’argent. Ensuite, ils cherchent à faire du bien avec les restes de la civilisation en aidant les pauvres à la soupe populaire et avec une fondation pour les enfants, qui est une façade. 

C’est bien beau, mais est-ce réaliste cet altruisme, sans structure religieuse pour l'encadrer ? Comment des gestes charitables peuvent se manifester sans rien pour les guider et les coordonner ?  Il n’y a pas de solutions faciles. Mais il y a beaucoup de matière à réflexion dans ces quatre films de Denys Arcand. Pourquoi sommes-nous faibles sur le plan moral, politique et culturel ? Pourquoi n’arrivons-nous pas à nous unir au Québec ? Pourquoi tout le monde suit-il leurs petites tendances individualistes plutôt que de mettre de côté de petites différences et travailler ensemble ?  Y a-t-il de l’espoir pour le Québec et sa dépouille ? À suivre.

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