mercredi 4 septembre 2019

(II) Pour en finir avec le mouvement indépendantiste tel qu’on le connaît

« Les babyboomers ne lègueraient aux suivants qu’un État-providence « déficient et gangréné ». Il faut remettre en question les sacro-saints « acquis » de la Révolution tranquille qui « se disloquent » et « partent en lambeaux ». Or, s’il y a quelque chose qu'ils nous ont appris, ce sont les conséquences familiales et sociales désastreuses et directes de la tabula rasa du passé sur le futur. Leurs enfants étaient sacrifiés à l’idole de l’individualisme. »
Christian Saint-Germain, Québec circus

Deuxième partie d’une série de deux textes - lire la partie 1 ici
Quand je croise les nationalistes québécois bien-pensants, qu’ils soient de jeunes citoyens-du-monde dénationalisés ou des boomers anticléricaux, qui parlent du Parti québécois comme si l’on était en 1976, tout le monde se plaint qu’il n’y a plus d’esprit militant au sein de la population.


Le problème, justement, c’est qu’on n’est plus en 1976. Il se peut que les babyboomers aient eu de bonnes intentions, mais leur stratégie a malheureusement échoué – comme l’illustrent les résultats des référendums de 1980 et de 1995. Or, plutôt que d’admettre leur échec, la plupart des membres de cette génération persistent à mettre de l’avant la même vieille vision des choses. Les boomers continuent pourtant de propager leur discours des années 1970 comme si c’était toujours adapté à la réalité de 2019.

Beaucoup de boomers se croient courageux, mais, à mes yeux, ils ne sont qu’au service du politiquement correct. Leurs rejetons, ces jeunes souverainistes déracinés, sans orientation politique précise, font aussi partie du problème – tout comme Québec solidaire et beaucoup au sein du PQ et le Bloc. Tous ces gens parlent de « souverainisme moderne et ouvert », dissocié des idées dites « passéistes » voire « racistes », trop contents d’afficher leur supériorité morale.

Les textes préparés dans le cadre du colloque Maurice Séguin au début de 2019, auxquels j’ai fait référence dans la première partie de ce billet-ciet ensuite publiés dans L'Action nationale, illustrent à quel point le problème est profond. Parmi les participants du colloque, on y trouve plusieurs délégués du « nationalisme officiel et acceptable » (Denis Monière, Robert Laplante, Martine Ouellet, etc.). Les tenants de ce que nous appellerons ici le nationalisme « officiel et acceptable » propagent une vision « interculturelle » reposant sur un nationalisme territorial et qui ne se distingue guère du multiculturalisme.

Ma lecture a confirmé ce que je pensais déjà : il y a trop de nationalistes québécois d’un certain biais qui contrôlent notre récit historique. Ici, je parle de la vision issue de la Révolution tranquille qu’a la majorité des Québécois : on vivait dans une grande noirceur avant les années 1960 et, grâce à la Révolution tranquille et au rejet de l’Église catholique, le Québec est entré dans la « modernité ». À partir de là, la route vers l’indépendance s’est ouverte.

Le problème, c’est que non, justement, l’indépendance n’est pas venue.

Bref, la vraie « Grande Noirceur », c’est maintenant.

À mes yeux, l’esprit du nationalisme du colloque sur Maurice Séguin publié dans le numéro mars/avril de L’Action nationale se veut trop opportuniste, recherchant excessivement les louanges des « grands de ce monde » (les journalistes, les syndicats, les universitaires). Leur plus grande peur, c’est de se faire accuser à leur tour de « racisme ». Ils jugent à l’apparence, ce qui n’est guère digne d’un mouvement intellectuel. Propagent-ils une doctrine nationale ou se sont-ils transformés en police de la pensée ? Si les nationalistes bien-pensants et les souverainistes bon-chic-bon-genre croyaient vraiment à « l’union des forces indépendantistes », ne seraient-ils pas plus ouverts à collaborer avec tous les nationalistes ? Le projet nationaliste n’est-il pas une coalition ?

Or, la tendance parmi « l’establishment souverainiste » c’est de dégager le nationalisme québécois de l’image groulxiste. Les groulxistes sont trop souvent, et à tort, qualifiés d’« d’extrême‐droite ». Pourtant, les auteurs de ce colloque ne sont nullement considérés « d’extrême‐gauche », même si l’on aurait raison de le croire (par exemple, Robert Comeau est un ancien felquiste, auteur de plusieurs ouvrages d’inspiration marxiste).

Les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucun souvenir du Québec d’autrefois. Ils ne connaissent que le Québec dit moderne et technocrate. C’est pour cela qu’on dit que la souveraineté est un projet générationnel des boomers. Le lien avec le Québec d’autrefois fut coupé avec eux. Ils ont choisi de se déraciner et cela a mené à la mentalité contradictoire d’un nationalisme souverainiste-citoyen-du-monde qu’on voyait chez Option nationale, avalé et digéré par Québec solidaire, ainsi qu’au naufrage péquiste de 2018.

Pourtant, certains indépendantistes boomers bon-chic-bon-genre persistent à naïvement croire en la bonne foi souverainiste de Québec solidaire :


Les Denis Monière et Robin Philpot du monde ne voient-ils pas que les Zanetti, les Dorion et autres de cet acabit sont la suite logique de l’esprit de la Révolution tranquille ? Ils se désespèrent de la folie des QSistes qui traitent le nationalisme québécois comme quelque chose de raciste, mais en même temps, continuent à prôner les mêmes idées qui ont donné naissance aux délires solidaires-intersectionnels ! D’ailleurs, Québec solidaire, un parti qui se prétend indépendantiste, ferait sûrement en temps voulu son coming-out fédéraliste si cela lui permettait de prendre quelques anciens châteaux forts libéraux montréalais.

Au Québec, la seconde moitié du XIXe siècle fut marquée par le choc idéologique entre ceux défendant le principe de la primauté de l’Église sur l’État qu’on appelle les ultramontains, et les libéraux, qui prônaient les principes laïcs de la Révolution française. Les historiens, plus enclins au libéralisme qu’au catholicisme, ont ridiculisé le discours ultramontain comme un brouhaha paranoïaque du clergé, tandis qu’ils vénéraient « l’ouverture d’esprit » de l’archevêque de Québec, Mgr Taschereau (un prédécesseur de l’École de Québec), qui cherchait à neutraliser le rôle du clergé dans les élections.

Ce courant a rejeté Dieu, car ils se croyaient eux-mêmes des dieux. Ils ont voué un véritable culte à la « Science ». Aujourd’hui, le peu d’enfants qu’ils ont fait ont grandi dans un vide spirituel, et se déguisent en antifa en se moquant de la dernière génération souverainiste. J’affirme qu’il faut avoir une vision intégrale et non seulement matérialiste de la société. Pour moi, rien n’est plus évident que l’athéisme suffisant, le matérialisme et le mépris pour le passé du Québec ne mèneront jamais à notre indépendance. Même un de leurs saints civiques, Denys Arcand, a récemment fait allusion à notre vide actuel à la suite de la quasi-disparition de la pratique religieuse catholique.

Si les babyboomers bien-pensants croient qu’ils ont triomphé de ce qu’a représenté Groulx, je ne peux que les voir de la même manière : des vieux qui ont aussi échoué l’indépendance pendant que les jeunes croient triompher du « racisme » desdits boomers. En plus, nous sommes aujourd’hui plus appauvris que jamais. On a perdu la foi catholique. On est en train de perdre notre langue française. Mais peu importe ! Les nationalistes souverainistes s’entêtent et croient pouvoir infléchir le cours des choses – une stratégie aussi illogique qu’infructueuse.