Au Minnesota, comme au Québec, on parle souvent des Amérindiens et des injustices qu’ils ont vécues. Cela a préparé le terrain au discours sur « les méchants blancs ». On nous fait avaler une fausse dialectique « blancs » contre « non-blancs ». Les Québécois ne sont pas des « blancs » et c’est faux de mettre dans le même panier toutes les nations d’origine européenne sous l'étiquette bidon de « blancs ». Oui, certaines nations amérindiennes en Amérique du Nord ont fait l’objet de crimes horribles et de génocides. Il faut, pourtant, rectifier l’histoire des Amérindiens au Québec et de leurs interactions avec les francophones depuis que les Français ont mis le pied sur ce continent.
Pourtant, ces mêmes personnes n’ont souvent aucune connaissance des différences entre l’approche des Anglais, des Français et des Espagnols face aux Amérindiens dans l’histoire. Les Français n’ont jamais tenté d’exterminer les Indiens, car ils n’en avaient de toute façon pas les moyens. En plus, ils faisaient du commerce avec eux. Pourquoi tuer ses partenaires d’affaires ? La grippe ou la variole étaient des maladies bénignes pour les Européens, mais des maladies mortelles pour les Amérindiens, qui ne possédaient pas les anticorps qui permettaient de résister à cette maladie. Ce fut effectivement un génocide causé par les épidémies, comme il y en eut bien d’autres dans l’histoire de l’humanité. Pensons à la Grande Peste Noire de 1348, qui fit périr un tiers des Européens.
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Avant que le groupuscule qu’était Option nationale ne soit avalé par Québec solidaire, il avait publié un petit livret : Le livre qui fait dire oui qui se voulait un cahier de pédagogie indépendantiste sur plusieurs thèmes – l’économie, l’éducation, les anglophones, l’environnement, etc. Dans le très court chapitre sur les Amérindiens, l’auteure Josianne Grenier écrit :
« L’indépendance du Québec représentera une occasion inédite de remplacer la Loi sur les Indiens (une loi du gouvernement fédéral qui a eu pour but l’assimilation des peuples amérindiens) par un cadre légal et coopératif qui correspondra mieux aux réalités et aux aspirations des autochtones aujourd’hui. » (p. 75)Oui, je suis d’accord que l’indépendance du Québec serait une belle occasion pour réévaluer notre rapport avec les 11 nations amérindiennes du Québec. Comment ? L’auteure ne dit pas grand-chose à part que l’indépendance incitera au dialogue. Ensuite, elle dit que « l’histoire et la culture du Québec sont indissociables de celles des nations autochtones » et que « le sirop d’érable est un apport fondamental des autochtones ».
Ça me fait penser à cette légende urbaine selon laquelle les Québécois ont presque tous du sang amérindien. Les mariages mixtes avec des Anglais, des Irlandais ou des Amérindiens, après la Conquête, ont été peu nombreux. L’arbre généalogique des Québécois d’aujourd’hui est à plus de 90% français. L’idée que la nation canadienne-française soit le résultat d’un mélange de races est complètement erronée, quoiqu’en pensent les partisans de l’immigration de masse et du mondialisme.
Madame Grenier reconnaît que le partage du territoire sera sans aucun doute le dossier le plus complexe et fera l’objet de longues négociations. Selon elle, le gouvernement du Québec doit négocier avec Ottawa pour que les Amérindiens ainsi que les produits des activités traditionnelles (chasse, pêche, trappe) puissent traverser assez librement les frontières pour pouvoir continuer de profiter de l’entièreté du territoire ancestral. (p. 77)
Mais qu’en serait-il des Québécois ? La pêche, la chasse et la trappe ne sont-elles pas autant des traditions canadiennes-françaises qu’amérindiennes ? Pourquoi tout le monde n’est pas soumis à la loi, y compris les Amérindiens ? Le plus troublant est sans doute le fait que Madame Grenier ne réclame qu’un dialogue pour régler dès que possible les querelles territoriales. Un simple « dialogue » pour régler quelque chose d’aussi complexe ?
Et que dire de cette fausse histoire (que même la mairesse Valérie Plante répète) selon laquelle la ville de Montréal est un territoire Mohawk non-cédé ? Elle doit sûrement savoir que c’est faux, comme l'expliquait le professeur Luc-Normand Tellier dans Le Devoir. Il est farfelu de prétendre que nous avons volé aux Amérindiens leur pays. Au XVIIe siècle, le Québec actuel n’était habité que par environ 25 000 Amérindiens nomades. Autant dire que c’était une terre inoccupée. Ils ne connaissaient pas la notion de propriété terrienne. Il n’y avait pas vraiment de résistance à l’établissement des Français dans la vallée du Saint-Laurent, grâce au commerce lucratif des fourrures.
Si les Iroquois/Mohawks ont lutté contre les Français, ce n’était pas pour défendre leur territoire, d’ailleurs situé dans l’actuel État de New York et non au Québec, mais pour détourner le commerce des fourrures au profit des Hollandais et des Anglais (Le siècle de Mgr Bourget : p. 386). Il serait temps que les Mohawks reconnaissent les consensus scientifiques ayant démontré que leurs ancêtres sont arrivés sur la rive sud de Montréal, en quête de refuge et de protection, auprès des habitants canadiens qui y vivaient depuis longue date.
Pour finir, Madame Grenier dit que « laisser les autochtones décider des institutions les régissant sera un premier pas vers la préservation de leur culture, puis la meilleure façon de la préserver est de l’institutionnaliser. » Institutionnaliser leurs cultures ? Quel colonialisme ! Elle propose ni plus ni moins que d’imposer un modèle d’institution « blanc » aux Amérindiens. Après, elle parle d’enseigner les langues amérindiennes et d’autres éléments de la culture autochtone (traditionnelle ou contemporaine) à l’ensemble de la population. D’accord. Mais croit-elle vraiment que les immigrants s’intéresseront à ces langues ? La promotion du français est déjà assez difficile. Pourquoi les néo-Québécois apprendraient-ils les langues amérindiennes quand ils s’intéressent à peine au français ?
Les journalistes d’enquête, Alex Caine et François Perreault nous expliquent dans le livre « Le peuple brisé » que :
« les Mohawks revendiquent le droit ancestral de traverser librement la frontière canado-américaine à Akwesasne. En plus, à la suite de la confiscation de plusieurs passeports iroquois par des agents frontaliers, les Mohawks accusaient Ottawa de vouloir "leur arracher" leur identité. » (p. 86)Pourquoi revendiquent-ils le droit de traverser librement les frontières ? Pour continuer leurs belles « traditions » de chasse, de pêche et de trappe ? Selon Caine et Perreault, ce serait surtout pour poursuivre des activités criminelles.
Le livre explique la réalité criminelle amérindienne dont on parle très peu. Des réseaux criminels mafieux comme l’Indian Posse et Es-Pak sont aussi mauvais que n’importe quelle autre mafia ethnique : trafic d’êtres humains, de drogues, de cigarettes de contrebande, d’armes, etc. D’ailleurs, le livre fait valoir de manière convaincante qu’une des causes principales de cette histoire des femmes amérindiennes disparues se trouve au sein de leurs propres communautés.
« Avant l’intégration à Es-Pak, le caractère prédateur et la violence déchaînée d’Indian Posse ont permis à cette organisation de s’imposer rapidement dans les marchés de la drogue, de la prostitution, du jeu et de façon horrifiante, du trafic d’organes. Dans les années 90, ce commerce devenait l’un des plus lucratifs parmi les activités criminelles … Il peut sembler incroyable que ces organisations criminelles s’en prennent ainsi aux leurs. Cependant, on constate que les gangs autochtones ne sont pas différents des autres. » (p. 67-68)On évoque souvent la crise d’Oka de 1990 comme un point tournant vers de meilleures relations au Québec. Dans la mémoire collective, l’histoire se déroule ainsi : les courageux Amérindiens (les Mohawks d’expression anglaise) s’opposaient au projet de la municipalité d’Oka d’ajouter neuf trous au terrain de golf existant et d’y permettre la construction d’habitations de luxe. Une barrière fut érigée en travers de la route de terre menant au terrain de golf. La ville obtint une injonction contre la barricade, mais les Mohawks l'ignorèrent complètement : « Je ne reconnais pas l'autorité de la Province sur cette terre », déclara Curtis Nelson, un Mohawk de Kanesatake et participant pendant la crise d'Oka. (People of the Pines, p. 438).
Mais Alex Caine et François Perreault racontent qu’en réalité, la cause apparente défendue dans cette crise n’aurait que bien peu à voir avec le véritable enjeu, soit le libre cours des activités illicites.
« Kanesatake est une réserve enclavée dans la municipalité d’Oka à la confluence de la rivière des Outaouais et du lac des Deux-Montagnes. Sa géographie représente un atout considérable pour des trafics de toutes sortes. Les voies d’eau offrent les liaisons les plus sûres pour qui sait y naviguer de jour ou de nuit. Ce territoire de 670 kilomètres carrés est devenu un site de transit pour les contrebandiers. Rien d’étonnant à ce que les Mohawks en réclament la souveraineté. » (p. 88)
Certes Mme Grenier propose d’assurer la libre circulation des Amérindiens (au-delà même du concept de frontières) pour leur permettre de s’adonner librement à leurs activités traditionnelles, mais elle reste muette sur la question des activités criminelles.
À la lumière de ce qui précède, il s’agit pourtant d’un problème sérieux qui ne saurait être ignoré. Comment veiller à ce que les activités amérindiennes traditionnelles ne servent pas de paravent à des trafics de toutes sortes ? Surtout, comment protéger les femmes autochtones qui pourraient elles-mêmes souffrir de ce trafic si on le laissait suivre son libre cours ?
La « solution » proposée par Mme Grenier relève donc de l’angélisme.
Dans le cadre d’une enquête publiée dans le Montréal Gazette, le journaliste montréalais William Marsden a recueilli de nombreux témoignages de la part de policiers. Les arrestations régulières de contrebandiers ont peu d’impact sur le marché noir du tabac, car les criminels mohawks vont rarement en prison, et ne paient pas les amendes qui leur sont imposées. Quant aux policiers blancs, ils n’entrent presque jamais sur les territoires amérindiens sans l’autorisation du conseil de bande. (p. 90)
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Je suis tombé sur une balado du New Hampshire (Outside/In) sur la controverse du « Northern Pass », le projet de ligne électrique entre le Québec et le nord-est des États-Unis. Ils voulaient montrer que l’hydroélectricité d’Hydro-Québec, une source d’énergie renouvelable et propre, a dérangé les traditions des « terres ancestrales » de quelques nations amérindiennes au Québec. Le traitement du sujet était plutôt superficiel et hautement théâtralisé, et il présentait une version déformée de l’histoire du Québec, ce qui est typique de la part des anglophones.
Les deux animateurs voulaient à tout prix montrer qu’ils ne sont pas des méchants blancs. Leur attitude « kumbaya » leur permettait la coopération du chef. Le hic, c’est qu’alors qu’ils s’apprêtaient à entrer dans un établissement d’Hydro-Québec sur la Côte-Nord, l’accès leur a été était refusé. Ils ont appris que c’était dû à la négligence du chef Jean-Charles Piétacho, qui n’a pas demandé la permission pour y entrer 48 heures à l’avance, comme tout le monde doit le faire, selon les règles.
Piétacho était furieux – non pas à cause d’une longue route perdue ni d’un désir particulier de montrer le site à ces deux Américains – mais parce qu’il avait été « humilié » par un vulgaire garde blanc lui ayant empêché d’accéder à son « propre territoire traditionnel ». Pour lui, cela illustre la discrimination dont est victime son peuple, non seulement d'Hydro-Québec, mais de tous les Blancs du Québec.
Malgré l’à-plat-ventrisme des deux animateurs envers le chef, Piétacho a fini par les rejeter comme de vulgaires blancs qui font eux-mêmes partie du même problème. Peu importe qu'Hydro-Québec verse chaque année des millions de dollars à la nation crie comme compensation pour l’usage de leurs terres dites ancestrales. Peu importe que ces deux podcasteurs soient prêts à prendre son parti. Le chef se voit en tant que victime du cours de l’histoire. Peu importe ce que disent les deux podcasteurs ou des gestes de bonne foi de la part d’Hydro-Québec, le chef les méprise en tant que blancs. Plus tard dans le balado, le chef leur dit même qu'il est fâché qu'ils aient également eu des entretiens avec des employés d'Hydro-Québec. Il ne leur aurait pas parlé s'il avait su qu'ils avaient également parlé à Hydro-Québec, car il voulait qu’ils aient seulement sa version à lui de l’histoire.
« Nous savons ce que les Blancs nous font. Nous connaissons notre peuple, c'est une grande discrimination au Québec contre les Premières Nations, et nous le savons. Nous vivons ici ; nous le ressentons, juste par la façon dont ils nous regardent. C’est profond. » (traduction libre, 17:30)
Pourquoi les Amérindiens pensent-ils qu’ils peuvent avoir carte blanche pour aller n’importe où n’importe quand ? Il ne leur faut qu’évoquer le colonialisme et dire que tous les blancs sont mauvais pour obtenir ce qu’ils veulent ?
Je maintiens mes dires : les Amérindiens n’ont jamais été opprimés par l’empire français. Les peuples amérindiens ont librement fait alliance avec le roi de France pour se défendre contre l’impérialisme iroquois, qui menaçait tout le nord-est du continent. La population amérindienne a malheureusement diminué de 90% à cause du « choc microbien », de l’apport involontaire de maladies européennes contre lesquelles les Amérindiens n’étaient pas immunisés. (Le siècle de Mgr Bourget, p. 12)
Qu’en est-il de cette histoire des couvertures de varioliques ? D’après ce texte de Radio-Canada, on dirait que la directive venait du général Amherst à la suite de la conquête de 1759, plutôt que de l’empire français. Or, on peut dire qu’une tache dans notre histoire, c’était la traite des fourrures contre de l’eau-de-vie (60% d’alcool), qui a malheureusement répandu l’alcoolisme chez les Amérindiens (même si les évêques de Québec condamnaient le commerce de l’eau-de-vie).
En ce qui concerne les quelque 80 pensionnats au Canada, 11 étaient au Québec et seulement trois étaient catholiques (c'est-à-dire des institutions canadiennes-françaises). Le sujet est trop grand pour traiter adéquatement ici, mais il est à noter que les témoignages varient beaucoup sur ce qui s'est passé dans les pensionnats si la source était anglophone ou francophone.
En ce qui concerne la vitalité des nations amérindiennes aujourd’hui, c’est d’ailleurs au Québec où les langues amérindiennes se portent le mieux au Canada. Juste au nord de Trois-Rivières, on trouve cet excellent exemple donné récemment par TVA.
Les Amérindiens s’en prennent à la nation québécoise en la réduisant au fait qu’il s’agisse d’une « nation blanche ». Non seulement cherche-t-on à ostraciser des gens en raison de la couleur de leur peau, mais on néglige par le fait même le fait que la nation québécoise se conjugue aujourd’hui au pluriel et qu’elle est aussi composée de descendants de tous les continents. Pourquoi les Amérindiens ne reconnaissent pas l’apport de ces néo-Québécois – qui sont impliqués dans les décisions politiques et économiques du Québec contemporain – en réduisant le Québec à une nation blanche ?
Par ailleurs, le fait que les Québécois soient blancs en grande majorité ne les rend pas coupables des injustices commises historiquement par l’Empire britannique. Les Québécois ont tort de se laisser culpabiliser pour des crimes commis au nom de Sa Majesté la Reine d’Angleterre. La devise de Lionel Groulx était « Notre maître le passé ». Les nations, comme les individus, se perçoivent elles-mêmes de la manière dont elles perçoivent leur passé.
Mais nous avons oublié notre histoire.