Je suis né dans un petit village aux États-Unis. J’imagine que j’avais une vie assez typique nord-américaine. Pour faire court, j’irai droit à l’essentiel. Après l’école secondaire, je suis déménagé en ville pour faire mes études. Je ne savais pas vraiment en quoi, comme beaucoup de monde sans direction. J’avais une vague idée de faire quelque chose en rédaction, largement à cause de l’encouragement d’une professeure qu’à l’époque, j’estimais beaucoup.
Lorsque j’étais étudiant à l’université, je ne parlais pas encore français. Je l’ai étudié un peu à l’école secondaire, mais c’était surtout parce que je ne voulais pas suivre des cours d’espagnol comme tout le monde. J’ai donc choisi d’apprendre le français pour être différent à cet âge-là.
Pour revenir à mes années universitaires, j’avais une conception romantique des voyages que font les routards en Europe. Je voulais vivre le cliché bohème et voyager de pays en pays. À 20 ans, je n’avais pas la moindre idée que ce n’était pas original du tout. Je crois maintenant que l’idée de s’endetter afin de passer quelques mois en Europe vient des films et autres émissions de télé qui idéalisent ces voyages. Je n’avais aucune idée que je rencontrerais des dizaines de personnes, tout aussi peu originales que moi, dans les auberges de jeunesse, dans les bars, dans les autobus, dans les trains, dans les rues. Et moi qui croyais être unique ! Tout le monde parlait anglais et tout avait des apparences nord-américaines. Au fond, je me suis rendu compte que la mondialisation était en train de tout rendre pareil. Aussi, j’avais honte de n’être capable que de parler anglais.
Ensuite, j’ai décidé d’intégrer mon étude du français à mon horaire étudiant. Je me suis dit que j’allais apprendre le français dans l’idée d’aller vivre et travailler en Afrique francophone. C’est aussi à ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à la francophonie hors de l’Hexagone. Je voulais aller au-delà des banalités du genre Jean-Paul Sartre qui résout les problèmes du monde au café parisien des Deux-Mégots.
À l’époque, mon intérêt pour le français reposait surtout sur le fait qu’il était parlé dans plusieurs pays et sur plusieurs continents. Ceci m’a mené en Mauritanie en 2004. J’y ai passé deux ans dans un petit village. Les gens y parlaient le Wolof, le Hassaniya et le français (pas tout le monde, car ce n’est pas tout le monde qui va à l’école). Ensuite, j’ai travaillé un an à Lyon en France. Pendant ces trois années passées à l’étranger, j’ai décidé d’entreprendre un projet ambitieux : émigrer des Etats-Unis vers le Québec. L’idée de vivre en français en Amérique du Nord m’a beaucoup attiré dès le départ. Je suis venu au Québec afin de faire partie de qui n’est rien de moins qu’un projet extraordinaire. En plein époque de mondialisation, je voulais vivre différemment. Ce n’est qu’un hasard – certes, un beau hasard – si la famille de ma mère tient aussi ses origines d’ici – mais de cela, je reparlerai une autre fois.
Pourquoi ai-je voulu venir au Québec ? Au fond, c’est parce que je trouve que les États-Unis n’ont plus d’identité qui leur soit propre, ni de culture. Oui, je sais, personne ne veut entendre cela et on me dira qu’il y a d’énormes différences entre les régions du pays. Bien sûr, ces différences existaient autrefois. Or, la manière de faire des grands centres, plus précisément la culture hégémonique de New York et de Los Angeles, a tout aplati par l’entremise des médias. Aujourd’hui, il ne nous reste plus qu’une culture de masse qui porte les mêmes valeurs et les mêmes références culturelles d’un océan à l’autre. Et ça, personne ne veut l’avouer.
Je menais une bonne vie avant. Mais je voulais quelque chose de plus. Quelque chose qui me permette de m’intégrer à un peuple en train de construire son être propre, et non de simplement reprendre quelque chose qui existe déjà ailleurs. C’est comme jeune adulte que j’ai pris connaissance de ce laminage culturel, dont les petits villages, comme le mien, et toutes les régions comprises entre Los Angeles et New York ont été victimes.
Bien sûr, le Québec n’est pas imperméable aux influences d’ailleurs, pour le meilleur et pour le pire. Mais à cause de la langue française, nous avons nos propres institutions et nos propres références culturelles. Cela favorise l’épanouissement de notre être, et confère une valeur unique à notre vision du monde. Et cela nous appartient.
Évidemment, ce qui nous appartient se partage avec les autres – les anglo-Québécois ou les nouveaux arrivants. Il ne leur faut que la volonté de s’intégrer à notre société. Le peuple québécois a créé quelque chose d’unique à son image, unique. Une société distinctement américaine, mais à nous, fer de lance d’une expression créatrice vivante et d’une richesse culturelle qui mérite d’être protégée et promue au bénéfice de tous.
Une fois arrivé au Québec, j’ai été déçu. J’ai été frappé par le fait que tout le monde voulait me parler en anglais, même si mon français est très bon. Bien sûr, j’ai un accent, mais qui n’en a pas? J’ai trouvé choquant de voir à quel point certaines personnes idéalisaient l’anglais et trouvaient que la langue française n’était pas adéquate comme véhicule d’expression des idées modernes. Dieu merci, tous ne partagent pas cet avis, mais je trouve que beaucoup de gens souffrent d’un grand complexe d’infériorité face à l’anglais. C’est très bien d’apprendre une autre langue (un euphémisme pour l’anglais), mais cela ne devrait jamais se faire aux dépens du français, la langue qui permet l’existence de la différence québécoise nord-américaine.
Les Québécois (comme les habitants de presque tous les pays) sont soumis à la culture de masse. Ils manquent de motivation, de confiance en eux. Ils se laissent bercer de l’illusion qu’ils peuvent survivre tout en restant les bras croisés, à se laisser endormir par la culture anglo-américaine de masse. Pour sûr, certains veulent que le Québec se réalise et devienne un État moderne, l’État d’un peuple instruit, dynamique et souverain, un peuple qui ose, plutôt que de devenir une attraction touristique pittoresque.
Je veux m’adresser ici à tous ceux qui ne sont pas indifférents, à tous ceux qui voient l’étincelle unique et créatrice qui anime le Québec moderne. Nous savons tous que la question nationale demeure en suspens, et qu’elle ne s’effacera pas tant qu’elle n’aura pas été réglée. En s’assimilant de plus en plus à la masse culturelle anglo-américaine, le Québec peut-il maintenir son potentiel de production intellectuelle et matérielle en terre d’Amérique ? Peut-on se bilinguiser en masse et s’attendre à ce que tout soit rose ? La question nationale requiert d’être étudiée avec plus de profondeur. On ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et les fesses de la fermière !
C’est pour explorer cette question dure (de mon point de vue d’étranger américain) et pour lutter contre l’anesthésie qui afflige nombre de Québécois que j’ai choisi de créer ce blogue.
Sois plus positif mon ami!
RépondreEffacerMalgré les difficultés, le français est bien ancré au Québec et il y a plein de gens positifs. Ton français peut être très utile pour trover un emploi partout au Québec.
Mais surtout pour te faire plein d'amis et connaître un tas de choses.
Continu ton beau travail!
Je ne suis pas indifférent, je la vois aussi cette étincelle unique et je voudrais qu'elle s'enflamme et devienne brasier. C'est pourquoi je suis et demeurerai toujours souverainiste, non pas «contre» les autres, mais «pour» nous, ce «nous» dont tu fais aussi parti (c'est important de toujours le rappeler en faisant une profession de foi souverainiste dans un débat...c'est une précaution pour éviter les accusations de racisme et de fermeture sur soi...). Comme toi, je ne baigne pas pour autant dans l'angélisme et la naïveté, je sais que la situation du français est et demeurera précaire ici, c'est une évidence démographique et socio-culturelle que l'on ne peut ignorer sans risque. Ton initiative et les raisons qui l'anime sont franchement admirable et encore une fois je ne peux que t'en remercier ! J'ai découvert ton blogue aujourd'hui (tu as dû le remarquer...) et je continuerai de te suivre et de lutter comme toi, contre l’anesthésie qui afflige tant de québécois, y compris ceux croyant que « tout va bien madame la marquise, les oiseaux, les papillons ! » La grenouille dans son chaudron ne réalise que l'eau chauffait qu'une fois cuite... il est parfois bon de lui rappeler que le rond du poêle est allumé... Je partage aussi ta vision d'un monde qui s'uniformise de plus en plus sous une superficielle apparence de diversité que personne n'ose dénoncer ; les réelles différences culturelles se folklorisent, tandis que les valeurs, les cultures et même les traditions convergent de plus en plus. Comme tu l'as souligné, aujourd'hui tu peux traverser le globe et rencontrer des gens qui s'habillent comme toi, mangent comme toi, pensent et vivent exactement comme toi, mais dans le même souffle, on nous chante les louanges de la diversité, alors que le monde n'a jamais été aussi « pareil » partout... C'est une perte inouï pour l'humanité... En réalité, on dirait que le monde perçoit de plus en plus les différence culturelles comme un frein (au commerce, aux échange, à la paix...) et encourage plutôt les différences entre individus... c'est ça la nouvelle diversité, pas celle des cultures, mais celle des individus... des individus d'une même culture mondiale, américanisé (soupir) qui s'imaginent être si différents les uns des autres... c'est moins dérageant. Les gens ne peuvent pas tous consommer la même culture à l'échelle planétaire sans conséquences et s'attendre à ce qu'une réelle diversité culturelle perdure à long terme, alors que nous aurons tous les même modèles, les mêmes références, les mêmes croyances, valeurs et ainsi de suite... Si on veut protéger la diversité culturelle mondiale, il faut protéger «l'écosystème» qui lui permet d'exister. Le défi de notre époque et de ce combat, est de trouver le juste équilibre entre l'ouverture à l'autre et l'amour de soi, entre la curiosité et l’orgueil, entre l'humilité et la fierté, entre évolution et tradition, entre la mondialisation et le nationalisme... y'a ben de l'ouvrage à faire ! Mais étrangement, j'ai l'impression que le Québec, par sa situation socio-historique, est l'endroit tout désigné pour amorcer ce genre de réflexion et apporter un semblant de début de réponse.
RépondreEffacerJ'ai lu sur une autre page que tu n'es plus dans la région montréalaise, mais j'espère que tu es toujours parmi nous au Québec !
Il y a énormément de fautes graves de français et de syntaxe dans votre article mais c'est un bon effort! Continuez à apprendre la langue de Molière! Surtout ne vous découragez pas, plus vite que vous ne le pensez vous aurez un bon niveau!
RépondreEffacerPS: je suis français de France! Bravo pour apprendre notre langue!
Je dit BRAVO, et merci pour cette analyse. En effet plusieurs anglo et immigrants du Québec aurais intérêt a lire ces textes! Alors continue!
RépondreEffacerLa question identitaire, on n'y échappe jamais. Et de vouloir l'étouffer, c'est courir vers un désastre. Il faut assumer son identité, ce qui n'est pas simple à l'ère du nivellement des cultures.
RépondreEffacerJe te félicite de ta démarche, même si c'est à contre-courant de tes contemporains. J'ai juste fait le chemin inverse pour ensuite revenir au Québec... ^^
Pour te situer, on s'est croisés aujourd'hui sur le podcast de Guillaume Wagner.
Oui, je me suis dit que ça doit être toi, vu que je n'ai pas mis à jour mon blogue depuis un an (trop occupé ailleurs...). Merci ! C'est très encourageant de lire tes propos.
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