Nos conceptions actuelles de l’égalitarisme sont issues des présupposés philosophiques des Lumières. Du nominalisme médiéval vient la tradition moderne déclarant que les objets du monde ne possèdent pas des « natures », mais on leur attribue des catégories métaphysiques et des « essences » par un cadre conceptuel humain. Donc, la nature humaine est une table rase. Une grande partie de la modernité repose sur la fausse idée selon laquelle la source des maux de l'humanité se situe dans les différences: la race, la religion, le langage, le genre, etc. Si celles-ci peuvent être effacées par un mythe révolutionnaire qui attribue toute responsabilité à la lutte des classes, à la hiérarchie, à la lutte des genres, etc., alors l'évangile humaniste peut finalement créer un genre d’utopie.
Se peut-il que certains gauchistes se rendent compte que les humains veulent des leaders et ne fonctionnent pas toujours comme des unités atomiques rationnelles ? Toujours, les gens ordinaires s'accrochent désespérément aux clichés. Les abolir exige des gens qu'ils fassent leur propre recherche, réfléchissent par eux-mêmes et prennent leurs propres décisions. Peut-on vraiment s'attendre à ce genre de comportement élitiste des gens ordinaires ? En tout cas, j’ai récemment regardé une vidéoconférence, en anglais, organisée par Québec solidaire : « Defeating the Liberals, what role for the anglophone left » et je me demande justement quel rôle a à jouer cette gauche ? Après avoir brièvement flirté avec QS en 2007-2008, je comprends assez bien leur vision du monde. Ce flirt, cependant, n'a pas duré longtemps. Maintenant, j'ai tendance à voir la gauche se mener vers une mort très douce postmoderniste, trempée dans le nihilisme.
À la suite d’une brève introduction du premier intervenant (12:50), la deuxième oratrice, Nora Loreto, a proclamé que si l'on est « progressiste », c’est fondamental de reconnaître le droit des peuples à l'autodétermination (je ne peux que deviner qu'elle se réfère spécifiquement aux nations autochtones). Selon l’intervenante n° 2, alors que la plupart des progressistes reconnaissent le droit à l’autodétermination, ils ne soutiennent pas l'autodétermination et la souveraineté du Québec.
Loreto dit que tous les peuples ont le droit de « se gouverner de manière traditionnelle ... » Très bien. Mais je me demande : qu'est-ce que «traditionnel» signifie pour un parti de gauche ? Quels sont les groupes nationaux qui ont le sceau d'approbation de Québec solidaire pour se gouverner de manière traditionnelle ? Confronteraient-elles une société québécoise catholique traditionnelle ? D'après ce que j'ai vu et entendu là-dessus, de tels groupes catholiques obtiennent généralement l’étiquette « extrême droite » et le public est porté à croire que ces groupes sont composés de skinheads radicaux et violents.
À 13:30, elle dit que nous voulons nous assurer principalement que les femmes québécoises sont au travail. Pourquoi principalement les femmes? De plus, en soutenant le droit pour les sociétés traditionnelles à l’autodétermination, je ne peux m'empêcher de me demander comment elles réagiraient si une telle société traditionnelle décidait que les femmes ne devraient pas travailler, mais plutôt rester à la maison pour élever leur famille. L'oratrice suggère-t-elle que nous devrions soutenir le choix de ce groupe alléguant que les femmes ne font pas partie de la main-d'œuvre, et ce, au nom de l'autodétermination ?
À 18:15, on précise que Québec solidaire finit souvent par se défendre dans un cadre de souveraineté de droite. Il semble que les gens ne connaissent pas leur histoire, car si c’était le cas, on saurait que la souveraineté québécoise, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a été un mouvement à prédominance de gauche depuis la Révolution tranquille, suite à la mort de Maurice Duplessis. Très récemment, les Libéraux ont commencé à l'encadrer comme une supposée vision du monde à l'extrême droite—dans le style de partis politiques européens comme le Front national ou le Sverigedemokraterna. Ils savent que de telles programmations neurolinguistiques permettent aux gens d'amalgamer l'autodétermination et la souveraineté du Québec au nazisme, à la xénophobie et au meurtre de masse, et que de telles assertions nuisent au mouvement de souveraineté dans son ensemble (et participent à maintenir les libéraux du Québec au pouvoir).
Bien sûr, Loreto a abordé le sujet de la prétendue augmentation des nationalistes ethniques de droite au Québec comme l'une des crises les plus urgentes auxquelles notre société est confrontée — dramatisée avec quelques histoires anecdotiques concernant l'un des supposés groupes de droite portant des bannières avec des symboles de l'ère nazie, dans son quartier, à Québec. A-t-elle pris une photo du prétendu signe de l'ère nazie? Parce qu'après avoir posé des questions, on m'a dit que c'était un mensonge nu. Sérieusement, pensez-y. Il serait trop drôle et stupide pour ces groupes d'afficher des symboles nazis sur leurs bannières; ce serait le suicide social et politique. Croit-on vraiment que ces gens ont le luxe de faire quelque chose de si socialement mal vu, pour ensuite ne s'attendre à aucune atteinte à leur réputation professionnelle et à leur capacité à gagner leur vie ? Les individus composant ces groupes « à l'extrême droite » n’ont-ils pas aussi des vies, des familles, des hypothèques et des voitures à payer ? Il me semble que certains « militants » commencent avec une certaine croyance, puis cherchent à confirmer leur partialité au lieu de traiter les faits tels qu'ils sont présentés. Ensuite, quand ils ne trouvent plus rien à l'appui de leur croyance, ils exagèrent ou inventent quelque chose : « je vous l'ai dit ! La ville de Québec est infestée de skinheads. » Quoi dire à ça ?
Curieusement, Loreto a aussi dit que le groupe susmentionné distribuait des brochures appelant à un boycottage contre des sociétés multinationales comme Starbucks et à soutenir nos entreprises locales. N'est-ce pas une bonne chose ? Est-ce pourquoi on appelle de plus en plus ces personnes la « gauche régressive » ? Maintenant, elles défendent les multinationales au détriment de petites entreprises familiales.
À 19:00, la deuxième oratrice a clôturé avec d'autres propos discutables : « … [à Québec solidaire], nous proposerons les meilleurs arguments et stratégies pour éteindre [les gens haineux de toutes les manières possibles] ». J'aimerais savoir comment elle définit les « gens haineux », la « haine », et ce qu'elle entend par « éteindre ». On dirait que c’est éteindre, par la diffamation, ceux qui ne sont pas d'accord avec eux. Qu'en est-il de la défense de la liberté d'expression ? Cela signifie aussi défendre le discours qui va à l'encontre de son idéologie. Peut-être devraient-ils trouver de meilleurs arguments au lieu « d’éteindre » les gens avec d'autres opinions ?
Le troisième orateur n'avait pas grand-chose à dire, en dehors de relater, à 23:00, qu'il est un progressiste, mais pas séparatiste. Alors, est-ce que l’oratrice précédente l’aime encore ? Après tout, elle vient de dire que le fait d’être progressiste signifie le soutien de l'autodétermination/souveraineté d'une nation.
Vers 31:30, la quatrième oratrice a commencé par déclarer que « le problème » (je suppose qu’elle voulait parler de la division anglo-franco) ne concerne pas la langue, mais la lutte des « classes [sociales] ». Je dois dire que je me pose de sérieuses questions. Montréal s’anglicise de plus en plus. De nombreux nouveaux arrivants ne connaissent pas le français et/ou n’ont pas besoin de l'apprendre. Le gouvernement libéral ne fait presque rien pour la protection et la promotion de la langue française. Comment peut-elle simplement écarter ce que la première oratrice a déclaré dans son introduction concernant la diversité linguistique qui fait de Montréal « l'une des capitales culturelles du monde » ? Le français est au centre de ce débat, un enjeu pour lequel QS a toujours été mou et tiède. Il s'agit d'un faux-fuyant typique chez les anglophones pour détourner l'attention du problème très réel de l'anglicisation de Montréal et couper les cheveux en quatre sur le vieux charabia marxiste fatigué à propos de la lutte des classes sociales. Ils ne seraient même pas là en train de discuter de tout cela si le Québec n'était qu'une autre province anglophone ou un État américain.
Vers 34:00, elle soulève de l’information douteuse, similaire à celle qu’a déclarée l’oratrice n ° 2 : que le soutien du mouvement souverainiste a été, pour la plupart des organisations nationales et racistes, de l’extrême droite. Encore une fois, quiconque possédant certaines notions d'histoire québécoise saurait que le mouvement souverainiste post-Révolution tranquille était principalement de gauche. Comment peuvent-ils continuer à affirmer de telles mystifications ? Et qu'en est-il de Québec solidaire? Ne font-ils pas partie du mouvement souverainiste ? Est-ce pour dire qu'ils sont de droite, eux aussi ?
Cette oratrice affirme également qu'elle pense que Québec solidaire possède le programme le plus intéressant au Québec, mais elle ne donne aucun exemple de la supériorité de son programme. Et elle se penche sur la raison pour laquelle Québec solidaire n'obtient pas le vote des immigrants et des autochtones. Ben là, c'est facile ! Parce que les personnes tombant dans ces catégories votent majoritairement pour les libéraux. C'est pourquoi QS a besoin d'une convergence avec le PQ. Il n'y a pas d'autre moyen de le faire. La majorité des immigrants et des autochtones ne vivent pas dans le Mile-End ou sur Le Plateau-Mont-Royal. Ils ne voient pas les choses à travers le même prisme que QS. De plus, à 35:30, elle dit que Québec solidaire est trop « pale, male and stale (and francophone) » (pâle, masculin, vieux et francophone). Apparemment, les hommes blancs, francophones (et plus âgés) ne sont pas les bienvenus.
À 36:00, tout en abordant vaguement une éventuelle convergence PQ-QS et en diabolisant le Parti québécois (qu'elle appelle, de mauvaise foi, le Parti Québecor), elle demande : « pourquoi allions-nous nous associer à un parti qui ne questionne pas la structure politique économique ou démocratique qui est justement notre problème ? » Encore une fois, elle parle de la lutte des classes et soutient que la souveraineté n'est pas une base assez solide sur laquelle le PQ et QS peuvent s'allier. Quand les militants de QS se rendront-ils compte que rien ne peut se faire sans la souveraineté ? Aucune de leurs idées grandioses ne peut advenir sans l'autodétermination qu'ils prétendent soutenir. Même Gabriel Nadeau-Dubois (candidat du co-porte-parole masculin de Québec solidaire) l’a reconnu dans son discours de lancement de campagne.
En ce qui concerne les « nouveaux anglophones » de Montréal, elle réduit les Indiens et les Pakistanais à des misérables qui essaient désespérément de gagner leur vie, ce qui implique que de s'attendre à ce qu’ils apprennent le français est cruel et sans cœur. Veut-elle dire que ces personnes n'ont absolument aucune responsabilité sociale/linguistique envers la société qui les accueille ? En les comparant à l'oppresseur historique anglophone de Westmount, elle les place dans une position de non-agression. Je sais que la gauche aime voir tout dans les binaires : oppresseur contre opprimé, homme contre femme, la bourgeoisie contre le prolétariat. Cependant, la vie n'est pas aussi simple que la dialectique oppresseur/opprimé. Bien que les sud-asiatiques (anglophones) dont elle parle ne soient pas les anglophones historiques riches et blancs, l'idéologie derrière le multiculturalisme les instrumentalise en sa faveur. Donc, dans cette vision du monde binaire, alors qu'ils ne sont pas des oppresseurs directs, ce sont des outils de cette oppression contre la langue française, car le résultat final, c’est une anglicisation accrue de Montréal, plus de tension entre les différents groupes ethniques et plus de division politique entre l’anglophone et le francophone.
Vers 40:00, elle réitère également le vieil adage selon lequel « les Italiens ont été refusés d'entrée dans les écoles françaises », ne semblant pas être au courant de la crise de Saint-Léonard qui a largement contribué à la situation linguistique derrière la loi 101. Je sais que, il était une fois, certains Italiens se sont sentis rejetés dans les écoles catholiques de langue française, mais comment peut-on croire cette histoire caricaturiste des méchantes religieuses françaises qui étaient si cruelles envers les pauvres Italiens, les conduisant dans les gentils bras ouverts des écoles de langue anglaise ? Sur quoi base-t-elle cette perception ? Quelques histoires anecdotiques ? Quoi qu'il en soit, j'ai déjà abordé ce sujet dans mon texte « Anglophones qui se prennent pour des allophones ».
Une dernière chose incongrue. Elle a dit que la langue parlée par quelqu'un ne définit pas ses points de vue politiques. N’a-t-elle jamais vu une carte électorale ? Les circonscriptions où la langue anglaise est parlée plus couramment sont toujours, sans exception, libérales.
Vers la fin, à 45:00, Amir Khadir a déclaré que les militants de Québec solidaire étaient trop paresseux de ne pas faire plus pour atteindre les anglophones, ce qui est vrai. Il se demande pourquoi le message de Québec solidaire, si inclusif, si bon, si juste, n'a pas atteint les masses qu'ils attendaient dans leurs débuts en 2006. Eh bien, probablement parce que Québec solidaire refuse de coopérer avec d'autres partis qui devraient être leurs alliés souverainistes.
Bravo !
RépondreEffacerTrès intéressant !
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